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100 ans après, des Astronomes Français vont reproduire l'expérience de l'éclipse d'Einstein

Le 29 Mai 1919 fut un grand jour pour l'astronomie moderne, en particulier pour la physique d'Einstein. Pour la première fois dans l'histoire, la théorie de la relativité Générale fut vérifiée par une observation tout-à-fait réelle : celle de l'éclipse totale de soleil de 1919, dont l'observation était dirigée par l'astronome Eddington.
Image montrant le télescope TAROT de La Silla sous le soleil eclipsé (simulation). Christian Buil sera l'un des scientifiques de l'équipe responsable de cette manipulation. Son site web.

100 ans après, lors de l'éclipse solaire du 2 juillet 2019 au Chili, une équipe d'astronomes français va reproduire cette expérience en mesurant la déviation de la lumière des étoiles à proximité du soleil. Parmi les scientifiques responsables de ce projet, on notera la présence de Christian Buil, un acteur majeur dans le monde de l'astronomie amateur et dont les talents ont été reconnus par l'Union Astronomique Internationale en août 2018.

Cette manipulation sera réalisée depuis l'observatoire de La Silla de l'ESO, avec le télescope TAROT. Dans ce dossier, nous vous proposons de plonger au cœur de cette expérience symbolique de l'histoire des sciences.


1919 : L'éclipse d'Einstein ou la réalité en parfaite adéquation avec la théorie


Lorsque la théorie de la relativité générale d'Einstein fut rendu publique en 1915, un grand nombre de scientifiques gardaient un regard sceptique quant à son exactitude. Un doute tout à fait légitime puisqu'elle remet en cause la loi universelle de la gravitation de Newton établie depuis 1687.
Selon la relativité générale, tout corps massif dans l'Univers inflige une distorsion de l'espace-temps. Ainsi, la gravité n'est plus vue comme une force mais à la fois comme une courbure de l'espace et du temps. Puisque les lois régissant la propagation de la lumière sont dictés par l'espace, si l'espace se courbe, la lumière aussi.
C'est par ce principe qu'Einstein proposa de vérifier sa théorie en mesurant la déviation de la lumière des étoiles lorsque celles-ci se trouvent à proximité du Soleil. Cependant, le seul moyen permettant d'observer des étoiles aussi proches du Soleil est de masquer sa lumière éblouissante. Une telle configuration n'est possible que pendant un phénomène naturel unique : l'éclipse totale de soleil.

En 1919, deux astronomes anglais, Eddington et Dyson ont réalisé pour la première fois une telle mesure. Ils ont comparé les positions des étoiles au voisinage du soleil durant son éclipse aux positions exactes de ces étoiles en l'absence de soleil.

Les résultats ont permis de montrer que la déviation de la lumière des étoiles représentait un angle compris entre 1.6 secondes d'arc et 1.98 secondes d'arc, ce qui confirmait les prédictions d'Einstein. Cette expérience engendra un engouement colossal en faveur de la théorie du Génie puisqu'elle fut le tout premier exemple réel témoignant de sa validité.
En 1922, une seconde expérience du même type vint conforter Einstein. Il faudra néanmoins attendre 1973 pour que des astronomes professionnels puissent à nouveau reproduire l'expérience de 1919.

Pour en savoir plus : Lire un article plus détaillé sur l'expérience de 1919 ici.

A l'occasion du centième anniversaire de l'éclipse d'Einstein, une poignée d'astronomes français a décidé de suivre les pas d'Eddington et de Dyson lors de l'éclipse totale de soleil au Chili, le 2 juillet 2019.

2019 : Le centenaire de l'expérience d'Eddington honoré par l’expérience TAROT au Chili

Crédit:
ESO/J. Morin, M. Druckmüller, P. Aniol, K. Delcourte, P. Horálek, L. Calçada, M. Zamani.

★ Une éclipse totale au-dessus de l'observatoire de La Silla


L'éclipse du 2 juillet 2019 est rarissime. Pour la première fois, une éclipse totale va être observée directement depuis des observatoires astronomiques professionnels au Chili. Il s'agit là d'un atout majeur qui va permettre d'étudier la couronne solaire en utilisant les plus grands télescopes du monde.
L'observatoire Européen de La Silla en fait partie. Situé à la frontière du désert d'Atacama, à 2400 mètres d'altitude, le premier observatoire Européen va bénéficier d'une éclipse totale à 16h47 heure locale, le 2 juillet pour une durée de totalité de 1 minute 47 secondes.

C'est dans ce haut lieu d'astronomie qu'une équipe d'astronomes va réaliser l'expérience historique de 1919. Parmi eux, on y retrouve des noms familiers :

  • Alain Klotz, Astronome et professeur à l'IRAP
  • Christian Buil, célèbre figure de l'astronomie amateur, ingénieur instrumentation optique au CNES
  • Jean-François Le Borgne, Astronome Emérite à l'IRAP

★ Le principe de l'expérience de 2019


Alain, Christian et Jean-François vont utiliser le télescope TAROT pour mesurer la déflexion des étoiles autour du soleil. TAROT est un petit télescope de 25 cm de diamètre et de 850 mm de focale mais qui a la particularité de collecter une grande quantité de lumière sur des temps relativement courts. 
Son large champ de vue ajouté à ses mouvements de pointage rapides font de lui un véritable vigile du ciel. En effet TAROT signifie "Télescope à Action Rapide pour les Objets Transitoires". Il est dédié à l'étude de phénomènes brefs et faiblement lumineux comme des sursauts gamma (GRB) ou des supernovas.

Télescope TAROT (droite, premier plan) et le télescope NTT (tout à gauche, arrière-plan). Crédit : ESO.
Lors de l'éclipse totale du 2 juillet au Chili, TAROT ne subira aucune modification matérielle et sera utilisé dans sa configuration d'origine. L'équipe a volontairement voulu respecter cette contrainte.

L'avantage d'utiliser un télescope permanent comme TAROT est de pouvoir capturer des images de référence indiquant les positions exactes des étoiles avant que l'éclipse totale n'ait lieu. Cette étape de calibration est absolument nécessaire, puisque c'est grâce à elle que le déplacement des étoiles par la gravité du soleil sera visible et mesurable pendant l'éclipse du 2 juillet. L'équipe s'est donc chargé de capturer la même région du ciel plusieurs mois au préalable, en l'absence de soleil.

Lorsque la Lune masquera en totalité le soleil, à 16h39, les 3 astronomes se chargeront d'enregistrer le plus d'images possibles afin de détecter un maximum d'étoiles dans la couronne solaire. Un des principaux objectifs de l'expérience sera de mesurer la courbure de la lumière au plus près du disque solaire. Puisque la déviation des rayons lumineux est inversement proportionnel à la distance (angulaire) au Soleil, cet effet sera plus important à mesure que l'on observe proche du disque solaire. Cependant, plus l'on se rapproche du disque et moins le ciel comporte d'étoiles visibles à cause de l'augmentation de luminosité de la couronne solaire.
Ce problème physique a été identifié lors de l'éclipse de 1919 par Eddington et Dyson. Leurs plaques photographiques de l'époque possédaient très peu de dynamique. Par conséquent, ils devaient sélectionner des étoiles éloignées qui n'étaient pas noyées par la lumière de la couronne, mais qui par conséquent, subissaient moins l'effet de déviation décrit par la relativité générale.

En termes de résultats, Alain Klotz et son équipe espèrent pouvoir retrouver la valeur réelle de l'angle de déviation de la lumière des étoiles, à savoir 1.75 secondes d'arc, sur des étoiles distantes d'un demi rayon solaire par rapport au centre du soleil. Autrement dit, mesurer une telle déviation équivaut à distinguer votre smartphone à une distance de 16 km !

Les images prises par le télescope TAROT serviront également aux astronomes pour le télescope NTT de 3.58 mètres de La Silla qui fera des observations spectroscopiques de la couronne solaire en même temps. Les images feront office de calibration pour mesurer le fond lumineux de la couronne, une étape obligatoire pour étalonner les spectres.


★ Un vrai challenge scientifique et technique !

Posséder un télescope professionnel au Chili ne rend pas pour autant l'expérience de TAROT extrêmement simple et fiable à 100 %. Un grand nombre d'éléments viendront chatouiller le bon déroulement de l'observation, qu'ils soient d'origine naturelle ou purement technique.
 La Silla sous la neige, juin 2013. Crédit:
ESO/M. Tewes
Le premier facteur disqualifiant est la météo. Dans l'hémisphère Sud l'hiver sera le maître des conditions météorologiques, en sachant que le mois de Juillet au Chili n'est pas du tout la période la plus propice à l'observation du ciel.

D'un point de vue instrumental, mesurer des variations de positions des étoiles par la gravité du Soleil requiert une très grande précision de mesure, avec toutes les exigences de performances qui y sont associées. On parle de détecter un angle de déviation des étoiles de l'ordre de la seconde d'arc (= 0.00027 degrés !). En terme de résolution, cet angle représentera un écart d'environ 0.33 pixels sur la caméra installée au foyer du télescope TAROT. Tout un processus d'analyse des images et de calculs des déviations est déjà mis en place par l'équipe d'astronomes. Les mesures seront effectuées sur plusieurs étoiles, idéalement 10, ce qui permettra d'augmenter la précision du résultat final.
Une seconde source d'erreur sera liée au positionnement du télescope. En effet, l'image réalisée pendant l'éclipse devra contenir la même région du ciel que l'image de référence obtenue quelques mois en amont de l'éclipse. Ces erreurs de pointage du télescope seront néanmoins minimisées en mesurant les distances relatives des étoiles.

Crédit: ESO/P. Horálek/Solar Wind Sherpas project
Bien qu'une éclipse totale diminue drastiquement la lumière ambiante, elle ne produit pas uniquement qu'un effet visuel. L'occultation totale de soleil revient à simuler une pseudo-nuit pendant laquelle les températures chutent très rapidement. Cette variation brutale de température, de l'ordre de 7 à 10°C produit des effets non négligeables sur la mise au point du télescope et sur la qualité des images de la caméra.

Enfin, la durée totale de l'éclipse totale se réduira à 1 minute 48 secondes contre plus de 5 minutes lors de l'éclipse totale du 29 mai 1919 : cela signifie une marge de manœuvre faible dans le cas d'un problème technique et par conséquent une extrême maîtrise du matériel de la part des astronomes est exigée !

Tous ces points délicats transforment à première vue une banale expérience en une expérience stressante pour les astronomes, même 100 ans après !
Il serait tellement dommage de laisser passer la moindre erreur que Christian Buil s'est penché sur la conception d'une expérience de secours. Ce plan B consiste à utiliser une lunette apochromatique et une caméra CCD du commerce, toutes deux installées sur la même monture que le télescope TAROT. Cet équipement sera commandé de manière indépendante de l'expérience principale au cas où une quelconque défaillance viendrait perturber son déroulement.

★ Pourquoi reproduire à nouveau cette expérience ?


Bien qu'elle soit le plus bel hommage à l'éclipse de 1919 qui permit de mettre la théorie de la relativité générale d'Einstein sur le devant de la scène, là n'est pas son unique intérêt. L'expérience de TAROT se veut être une élégante démonstration pédagogique soulignant la relation indéniable entre théorie et empirisme. Elle donnera conscience de toutes les difficultés liées à la prise de mesure qu'ont pu vivre ces célèbres scientifiques du 20 ième siècle.
Les 3 astronomes français comptent non seulement dévoiler leurs résultats auprès de la communauté scientifique mondiale mais également auprès du grand public en proposant des supports pédagogiques à l'organisation ESO.


Source de l'article : Propos recueillis par Guillaume Doyen (AstroSpace) lors d'une entrevue avec A.Klotz, C.Buil et J-F.Le Borgne le 22 Mai 2019.




Author

Guillaume Doyen

@AstroGuigeek Ingénieur doctorant, Astronome et Photographe amateur / French Engineer & Ph.D student, Astrophotographer & Amateur Astronomer. I simply love sharing my experience, advice and facts on Astronomy.

  1. Finalement, est-ce qu'il y a eu des résultats suite aux expériences? Merci!

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  2. Non pas encore de résultats. Le traitement des données prend plus de temps que prévu. Je détaillerai toute cette expérience très prochainement :D

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  3. Bonjour Guillaume,
    Je comptais beaucoup sur ces gens sérieux pour valider l'expérience de 1919 avec des équipements d'anciennes technologies dont j'ai toujours douté de leurs résultats. Et puis, as-tu eu des nouvelles d'eux? Merci! de me tenir au courant.
    Raymond Morin

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