Vous avez certainement déjà entendu le terme de nuages polaires, nuages mésosphériques, nuages noctiluques ou encore nuages noctulescents (NLC) ? Tous désignent le même phénomène rare, puisque ce sont les nuages les plus hauts qui peuvent exister dans notre atmosphère, et ils sont également les plus mystérieux et imprévisibles.
NLC dans le ciel du Danemark par Adrien Mauduit |
Au travers de ce dossier, je vous propose de faire le point sur ce que les scientifiques connaissent des nuages noctiluques et surtout comment partir à leur recherche en les photographiant. Même depuis la France, c'est tout-à-fait possible !
MISE A JOUR (JUIN 2020) : Comprendre les Nuages Noctiluques [Vidéo YouTube]
Partie Théorique
★ Que sont les nuages noctulescents (NLC) ?
★ Quelle est leur origine ?
★ Etudier les nuages noctulescents
Partie Pratique (Tutoriel Photo)
★ Préparer le terrain (choix lieu | choix du matériel ...)
★ Photographier les nuages noctulescents (réglages généraux | prise du vue | traitement)
-------
► PARTIE THÉORIQUE
★ Que sont les nuages noctulescents ? ★
Malgré leur dénomination de nuages, les nuages noctulescents sont très différents des nuages que l'on croise communément dans le ciel.
Les nuages noctiluques n'apparaissent qu'à certaines périodes de l'année et sont visibles uniquement depuis les hautes latitudes Nord, une à deux heures après le coucher du soleil ou bien avant son lever.
Ces nuages sont distinguables par leur teinte blanche voire bleutée et par leur structure fine et ondulée, comme la trace de l'écoulement de l'eau sur le sable mouillé.
Nuages noctiluques au-dessus de Paris le 14 juillet 2009 (source) |
NLC le 21 juin 2017 depuis le pic du Midi par Pierre-Paul Feyte |
Ces "NLC" (en anglais pour NoctiLucent Clouds), comme les désignent les anglophones, sont situés dans une couche de l'atmosphère culminant à plus de 80 km d'altitude, appelée mésosphère. C'est pourquoi on emploie parfois le terme de nuages mésosphèriques.
En France, les nuages noctulescents sont presque aussi rares que le sont les aurores boréales, mais peuvent être observables plus au Sud.
En 2009, un épisode bien brillant fut observé le 14 juillet à Paris.
NLC en juin 2017 depuis la Normandie par Frédéric Delbord |
En juillet 2016, les NLC furent visibles depuis le Nord de la France.
Plus récemment encore, en juin 2017, des observateurs situé au Pic du Midi et dans l'orne en Normandie ont photographié ces nuages !
• Pourquoi sont-ils visibles ? •
Ces nuages sont concentrés au-dessus des pôles Nord et Sud et sont composés de très fines particules en suspension, assimilable à de la fumée de cigarette (nous parleront de leur composition plus en détails dans une partie suivante).
Leur faible épaisseur ne permet pas de bloquer la lumière solaire du jour et ils sont donc invisibles lorsque le soleil se situe au-dessus d'eux, c'est-à-dire en pleine journée.
Pour détecter ces nuages, il faut donc attendre que le soleil passe sous l'horizon afin que les rayons lumineux les éclairent par le dessous et en direction de l'espace. Seulement un millième de la lumière provenant du soleil se trouve par conséquent réfléchie par les nuages noctulescents et trahie ainsi leur présence.
A ce moment, lorsque les NLC sont visibles, le soleil se trouve entre 6° et 16° sous l'horizon et ne peut en aucun cas éclairer de la même manière nos nuages communs de basse altitude : cumulus, stratus, cirrus ... Ceux-ci sont situés dans l'ombre, et au contraire des nuages noctiluques qui semblent être phosphorescents, les autres nuages apparaissent tous sombres !
source : http://jotrilide.free.fr/blog/?p=75 |
• Où et quand observer les nuages noctulescents ? •
Attention, ces nuages ne sont ni observables toute l'année, ni depuis n'importe quel lieu ! Par exemple, il est inutile de les chercher en hiver, et encore moins au zénith. La bonne réponse est :
En direction du Nord, aux alentours du solstice d'été.
Nous allons voir ensemble pourquoi, avec le raisonnement suivant qui se déduit très simplement :
→ Nous avons vu que les nuages Noctulescents s'étalaient au-dessus du pôle Nord (ou Sud). Il faut donc que vous soyez situé dans une zone d'observation aux abords du pôle Nord (ou Sud) en regardant en direction du Nord (ou Sud).
→ Puisqu'ils sont situés au Nord (ou Sud), le soleil doit se trouver dans cette même direction afin que sa lumière puisse se réfléchir sur les nuages noctulescents. Et à quel moment de l'année le soleil se couche au plus près du Nord ? Au solstice d'été !
Remarque : L'été est la seule période de l'année où l'on peut voir les NLC. Une fois la nuit tombée, le soleil passe sous l'horizon Nord et ne s'enfonce pas très loin en dessous. Ceci explique pourquoi les nuits estivales sont si courtes.
Nombre d'observation de nuages noctulescents en fonction de la latitude Nord (la france se situe en-dessus des 50°) |
Les nuages noctulescents peuvent apparaître directement après le coucher du soleil ou plusieurs heures plus tard...
Note importante : Si des nuages noctulescents apparaissent après le coucher du soleil, il est fort probable qu'ils réapparaissent également avant son lever !
★ Quelle est l'origine des nuages noctulescents ? ★
Historiquement, la première observation de ces nuages se fit en 1885, par Thomas W. Backhouse, deux ans après la violente éruption du Volcan de l'île Krakatoa. A l'époque, on pensait qu'il existait une corrélation entre ces nuages et l’éjection de fumée du volcan dans les hautes couches de l'atmosphère.
Récemment, Gadsden et Schroder (1989) n'ont révélé aucun lien entre les deux événements et ont expliqué que l'observation tardive des nuages noctiluques en 1885 s'est faite suite à une étude approfondie de l'atmosphère à cause de l'éruption de 1883.
• Composition •
Des mesures dans les années 60 ont permis de montrer que les nuages noctulescents seraient composés majoritairement de cristaux de glace et de poussière d'origine météoritique. En effet, la mésosphère est une couche relativement froide, avoisinant les -100°C et où les conditions de pression sont favorables à la formation de glace.
Evolution de la température en fonction de l'altitude dans l'atmosphère (ici , on s'intéresse aux 80 km) |
Remarque : Contrairement à l'interprétation commune, c'est en Été que la mésosphère atteint les températures les plus faibles, favorisant ainsi la solidification de l'eau en glace.
Les particules de météores et autres poussières venues de l'espace se retrouvent prisonnières et encapsulées dans ce agrégat de glace. C'est l'association de ces deux éléments qui forme des particules minces mesurant entre 4 et 10 nm, assez large cependant pour diffuser la lumière solaire, telle la fumée blanche d'une cigarette.
• Une couleur bleue brillante •
Des mesures ont prouvé que les particules responsables de ces nuages mésosphériques diffusent des longueurs d'onde entre 400 et 450 nm (associée à la couleur bleue-violette) et également dans le rouge (à 600 nm, à cause de l'absorption de Chappuis par la couche d'ozone). Ceci explique pourquoi les NLC apparaissent bleutés.
NLC en juillet 2016 dans le Nord de la France par Simon Lericque |
• Evolution et Mouvement •
Les nuages noctulescents dont les particules sont soumises au vent de haute altitude évoluent extrêmement vite ! En 1962, le scientifique Witt a estimé leur vitesse entre 70 et 135 mètres par seconde, soit entre 252 et 485 kilomètres par heure !
C'est pourquoi, il faut éviter de faire des poses de plusieurs dizaines de secondes pour les photographier...
Leur aspect de vague témoigne de leurs mouvements furtifs. Ces petites vaguelettes peuvent notamment atteindre entre 2 et 3 km d'amplitude (en hauteur).
• Limites actuelles •
Le lien entre les conditions météorologiques au niveau du sol et l'évolution des nuages noctiluques reste encore un mystère. Certains scientifiques émettent l'hypothèse que l'activité humaine aurait un impact sur l'augmentation de l'intensité des nuages puisque le dioxyde de carbone concentré en basse altitude refroidit davantage les hautes couches de l'atmosphère.
La sonde spatiale AIM a été lancée en 2007 spécifiquement pour les étudier et a permis entres autres de dresser une carte des nuages mésosphériques (lien ici).
★ Etudier les nuages noctulescents ★
N'importe quel observateur averti ou débutant peut participer à une étude collaborative de ces rares nuages.
Il suffit simplement d'alerter le site NLC.net en remplissant un petit formulaire en ligne (c'est le même principe que le témoignage d'un bolide ou météore) : http://ed-co.net/nlcnet/positive-report
Les meilleures données à fournir pour la communauté scientifique restent avant tout les images !
Les images peuvent permettre d'étudier un tas de choses comme :
→ Découvrir de nouvelles structures de nuages noctulescents,
→ Evaluer leur luminosité
→ Mesurer leur position dans le ciel
→ Mesurer leur vitesse de déplacement
Un projet scientifique en collaboration avec des chasseurs de nuages noctulescents a été crée par la NASA : POSSUM.
Adrien Mauduit, un photographe français passionné par le ciel, participe à ce projet en fournissant des vues absolument extraordinaires des nuages noctulescents, dont voici un aperçu :
► PARTIE PRATIQUE - Tutoriel
Puisque que les NLC en France sont presque aussi rares que des aurores boréales, nous ne pouvons pas nous permettre de rater ce gendre de photos, car nous n'aurons pas plusieurs tirs d'essais !
★ Préparer le terrain ★
En reprenant ce qui a été expliqué précédemment, voici une image récapitulant la visibilité des nuages noctulescents. Faites donc en sorte que l'horizon Nord soit bien dégagé et surtout les horizons où le soleil se lève et se couche.
Remarque : L'activité des nuages noctulescents est quasiment imprédictible.
• Matériels •
- Appareil photo équipé d'un mode Manuel
- Objectif au choix : tout dépend de votre envie. Si vous souhaitez capturer l'étendue de ces nuages avec un premier plan assez joli, équipez-vous d'un objectif grand angle (18 mm, 14 mm ...etc). A l'inverse, si vous désirez capturer les détails des structures des NLC, choisissez plutôt un téléobjectif (50 mm, 70-300 mm...etc).
- Un pare buée pour objectif peut-être très utile
- Un filtre polarisant est conseillé également puisque la lumière réfléchie par ces nuages est polarisée...
- Un trépied est indispensable
★ Comment photographier les Nuages Noctulescents ? ★
• La mise au point à l'infini •
Faire la mise au point sur ces nuages peu lumineux reste une opération délicate. Je vous conseille d'utiliser la méthode universelle, c'est-à-dire faire la mise au point sur une étoile brillante du ciel ou un lampadaire éloigné.
Une fois la mise au point réglée, ne plus y toucher.
• Les réglages de l'appareil photo •
Les réglages de votre appareil ne sont pas similaires aux réglages permettant de photographier la voie lactée par exemple, puisque le soleil viendra seulement de se coucher ou sera prêt à se lever. De ce fait, la lueur du crépuscule sera déjà bien présente, et il faudra ne pas monter trop en sensibilité ISO ni en temps d'exposition.
N'hésitez pas à effectuer plusieurs test de paramètres, car chaque situation est différente.
Sensibilité ISO :
A moins que vous disposiez d'un reflex ayant un très bonne montée en ISO, un bon compromis est de rester entre 200 ISO et 800 ISO , avec éventuellement un maximum à 1600 ISO.
Distance Focale :
Comme mentionné dans la liste de matériels, choissisez un objectif en fonction de votre besoin : détails en gros plan ou paysage en vue large, vous êtes libre... Sachant que l'idéal est de jongler entre deux plages de focales.
Ouverture :
Même si une grande ouverture (f/2.8 ou f/1.8) permet de collecter plus de lumière, il est préférable de fermer légèrement votre objectif (f/4 ou f/8), surtout pour les grands-angles afin de gagner en piqué (et contraste) d'image, d'éviter les aberrations de coma ou chromatiques, et ainsi de pouvoir recadrer l'image au traitement logiciel sans la dégrader.
Temps d'exposition :
Il dépend de votre focale, de votre ouverture et de la luminosité du crépuscule et de la vitesse des nuages noctulescents. Pour obtenir du détails sur les nuages, il faut (et j'insiste bien) prendre en compte leur vitesse ! Alors, préférez un temps de pose de quelques secondes uniquement.
Exemple de réglages :
(Capteur APS-C) : 18 mm, f/4.5, 6 secondes, ISO 400
(Capteur APS-C) : 70 mm, f/5 , 3 secondes, ISO 800
|
• La prise de vue •
N'oubliez pas de shooter en format non compressé (RAW), indispensable pour le traitement.
Deux méthodes de prises de vues sont donc possibles :
- La prise de vue unique : rien de plus simple. Une photo telle que tout le monde la connait.
- Le Time Lapse : série de photos uniques prises à intervalle de temps régulier et séquencées avec un logiciel de traitement pour ressortir une vidéo accélérée. Un time lapse peut se faire avec le logiciel lightroom en utilisant un plugin timelapse.
Astuce : Si vous désirez amener une touche de science à votre séance de prise de vue, arrangez-vous à prendre des photos tous les quarts d'heure. Lorsque vous partagerez vos photos, n'hésitez pas à inscrire l'heure exacte de prise de vue en Temps Universel (UTC). Cela permettra de faire correspondre plusieurs images prises au même moment à travers le monde.
• Le traitement •
Il n'y a pas de traitement prédéfini et unique. Le traitement des images est propre à chacun mais pour des photos de nuages noctulescents, mieux vaut se rapprocher du naturel : éviter un traitement surréaliste et trop prononcé qui ne correspondrait pas à la perception de ces nuages.
A des fins scientifiques, vous pouvez accentuer les couleurs des nuages et éventuellement ajouter du contraste dans les structures. L'appareil photo voit un tas de choses que nos yeux sont incapables de percevoir, il faut profiter de cet avantage !
|
★ Conclusion ★
★ Conclusion ★
Vous avez toutes les clés en main pour chasser ces nuages noctiluques/noctulescents/polaires.
N'oubliez pas qu'ils sont imprévisibles et partir à leur recherche tout l'été reste la méthode qui marchera au moins une fois !
Bonne chance et n'hésitez pas à partager cet article s'il vous a plu.
Gardez toujours les yeux levés vers le ciel !
Guillaume
Données puisées dans :
Super article Guillaume!
RépondreSupprimerMerci beaucoup !
Supprimer