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Rencontre avec l'Astrophotographe Juan-Carlos Muñoz au Chili


L'astrophotographie est à part entière un moyen de vulgariser l'astronomie. Les images Juan-Carlos Muñoz est un astronome expérimenté tutoyant l'un des ciels les plus somptueux du monde et faisant cette usage de l'astrophotographie. AstroSpace a eu l'opportunité de le rencontrer lors de l'éclipse totale de soleil depuis l'observatoire astronomique de La Silla au Chili. Ajouté à son superbe travail photographique, Juan-Carlos est très investi dans la communication scientifique auprès du grand public. Nous vous invitons à le découvrir au-travers de ses propres mots (traductions faite à partir de l'interview originale ici). 
illustrent des concepts scientifiques et techniques parfois difficiles à imaginer.
(Crédit image : Juan-Carlos Munoz-Mateos)

★ Pouvez-vous vous présenter ?


"Mon nom est Juan Carlos Muñoz Mateos, et je suis actuellement astronome à l'observatoire européen austral (ESO) au Chili. Je suis originaire d'Espagne. J'ai suivi un master de physique à l'université Complutense de Madrid, puis un doctorat en Astrophysique en 2010 dans la même université. Juste après cela je me suis installé aux Etats-Unis et j'ai commencé un contrat post-doctoral de recherche à l'observatoire national de radio-astronomie (NRAO) à Charlottesville, en Virginie. En 2013, j'ai obtenu un poste d'enseignant-chercheur à l'ESO au Chili. Depuis 2015, je suis astronome. Ici à l'ESO mon temps est divisé entre mes recherches sur l'évolution des galaxies et mes devoirs logistiques à l'observatoire de Paranal où je suis chargé des observations nocturnes avec les télescopes UT2 et UT3 (deux des quatre télescopes de 8 mètres de diamètre que nous avons au VLT)"
Deux télescopes auxiliaires de 1.8 mètres de diamètre faisant face à la voie lactée, accompagnée d'Airglow vert/orange. Crédit: Juan-Carlos Munoz-Mateos

★ Comment êtes-vous venu à l'Astrophotographie ?


"J'ai toujours été intéressé par l'astronomie lorsque j'étais enfant. J'ai commencé à expérimenter l'astrophotographie à l'adolescence, avec un appareil photo argentique très basique. J'ai essayé un peu de tout : des vues grand-angle de la voie lactée, de l'imagerie planétaire... Les images étaient loin d'être bonnes mais j'en ai appris beaucoup. Pendant mes études supérieures et ma thèse, j'étais trop occupé et ne pouvais pas consacré tant de temps à l'astrophotographie. Ensuite, en 2013, je suis parti vivre au Chili et j'ai instantanément été subjugué par le ciel de l'hémisphère Sud. Mon intérêt envers l'astrophotographie s'est rallumé."


★ Vous avez le titre de Photographe Ambassadeur de l'ESO. En quoi cela consiste ?


"Les photographes ambassadeurs de l'ESO sont un réseau d'astrophotographes qui prennent des images du ciel nocturne de n'importe quel observatoire géré par l'ESO, et ce de manière routinière : Paranal, La Silla et ALMA. Certains photographes ambassadeurs comme moi travaillent pour l'ESO à certains points, mais d'autres ne sont pas affiliés à l'ESO. L'équipe en charge de la communication scientifique de l'ESO publie ensuite nos images dans leurs diverses plateformes de médias sociaux."
Halo lunaire et tir de lasers au sodium depuis le Très Grand Télescope (VLT). Crédit: Juan-Carlos Munoz-Mateos

★ Au travers de vos images, on identifie directement un scientifique dévoué à sa passion. Chacune de vos images est accompagnée d'une description précise du sujet photographié ou d'une histoire. En fait, l'astrophotographie est un moyen de partager votre expérience et vos connaissances en astronomie. Est-ce important pour vous d'être autant investi dans la vulgarisation ?


"Totalement ! La vulgarisation représente une partie essentielle de mon travail. Après tout, l'intégralité des observatoires de l'ESO sont construits et opérés grâce à un financement public. Je crois donc fermement en la communication de ce que nous apprenons de l'Univers à l'aide de ces performantes infrastructures que nous avons ici au Chili. En ce sens, l'astrophotographie est un outil très efficace, puisqu'elle est l'incarnation de l'expression populaire "une image vaut mieux que mille mots". Quelque soit l'endroit où je publie mes images, j'aime toujours expliquer la science qu'elle contient, peu importe ce qu'elle représente : la structure de la voie lactée, la physique des phénomènes optiques comme des halos solaires ou les rayons verts, ou alors comment nous utilisons les lasers pour corriger les turbulences atmosphériques afin d'obtenir des images nettes des objets célestes. Les personnes apprécient toujours ces explications et posent beaucoup de questions liées au sujet, ce qui me motive à orienter mon travail d'astrophotographie vers d'autres directions, montrant des sujets différents à chaque fois."


★ Quels sont les moments les plus incroyables que vous avez pu vivre alors que vous photographiez le ciel ? Ou quel est votre sujet favoris à photographier sous le ciel Chilien ?


"Bien que j'adore photographier la voie lactée, mon sujet favoris n'est pas en réalité d'origine astronomique : ce sont les lasers que nous utilisons pour corriger la turbulence atmosphérique. Ces lasers excitent les atomes de sodium situés dans une couche d'air à environ 80-90 km au-dessus du sol, créant des étoiles artificielles dont le scintillement rapide est mesuré en utilisant des appareils nommés analyseurs de surface d'onde. Un ordinateur spécifique analyse ce scintillement et envoie des instructions à un miroir déformable qui modifie sa forme plusieurs centaines de fois par seconde, s'opposant aux perturbations de l'atmosphère.
Le télescope UT4 sonde l'atmosphère avec ces 4 étoiles lasers artificielles. Crédit: Juan-Carlos Munoz-Mateos

J'ai photographié ces lasers dans une multitude de situations : sur la voie lactée, sur les nuages de Magellan... J'adore profondément le côté futuriste qu'ils donnent sur mes images, et ils sont une bonne excuse d'expliquer la science qui se cache derrière la haute-technologie que nous utilisons pour observer le ciel étoilé.
Les 4 faisceaux lasers de l'optique adaptative se propageant dans l'atmosphère et pointant le Grand Nuage de Magellan. Crédit: Juan-Carlos Munoz-Mateos
Pour ce qui est du moment le plus fabuleux que j'ai eu en capturant le ciel, cela peut sonner un peu paradoxal après tout ce que je viens de mentionner ci-dessus concernant la high-tec, mais il a eu lieu avec le plus basique et le moins évolué des appareils photos que j'ai utilisé : une canette de soda avec un trou d'épingle et une feuille de papier photographique à l'intérieur. Il s'agissait d'une collaboration avec Diego López Calvin (@solarigrafia), un photographe Espagnol qui est spécialisé dans la photographie sténopé longue exposition. Il m'a envoyé quelques uns de ces appareils photos sténopé customisés que j'ai placé à différents endroits stratégiques à l'observatoire de Paranal. Huit mois plus tard, j'ai collecté les chambres photographiques et je les ai redonnées à Diego qui s'est chargé de les scanner et de me renvoyer les résultats finaux. Ces images sont complètement irréelles puisqu'elles montrent le chemin du Soleil en constante évolution dans le ciel sur une période de plusieurs mois.
Un voyage de 8 mois dans le ciel de Paranal. Source  
L'excitation est venue du fait que je n'avais aucune idée de ce à quoi les images allaient ressembler ! A l'ère de la photographie numérique, nous sommes habitués à recevoir un aperçu instantané de nos appareils photos : nous capturons le ciel, puis, en l'espace de quelques secondes nous pouvons visionner nos images et corriger les paramètres ou le cadrage si nécessaire. Mais pour ce projet je n'ai pas eu ce luxe : j'avais anticipé avec attention le cadrage de chacune des chambres photographiques mais je ne pouvais savoir si cela convenait avant plusieurs mois. Ce manque de retour immédiat a permis de rendre cette expérience très intéressante."


★ Quel matériel utilisez-vous ?


"Mon boîtier est un Canon 6D, qui se comporte étonnamment bien en basse lumière. Pour les images grand champ j'utilise deux objectifs Samyang/Rokinon : un 14 mm f/2.8 et un 24 mm f/1.4 qui ont la particularité d'être très lumineux et assez abordables comparés à d'autres objectifs similaires. Lorsque j'ai besoin d'un cadrage plus serré j'utilise un Tamron 45 mm f/1.8 qui une fois de plus est très lumineux et a une superbe qualité d'image. Quand je photographie le Soleil ou la Lune j'utilise un téléobjectif Tamron 100-400 mm. Enfin, mon fidèle destrier (pas pour l'astrophotographie) est un Canon 24-105 mm. Je possède également un Tamron 90 mm f/2.8 macro ; même si je l'utilise principalement pour la macrophotographie, il donne des résultats plutôt bons comme objectif d'astrophotographie. Mon trépied est un  Sirui T-025x, relativement léger, compact et stable. "
Un triple rayon vert (rare) capturé depuis l'observatoire de Paranal. Cette image a été sélectionné par le jury du célèbre concours "Insight Investment Astrophotographer of the Year 2018". Crédit: Juan-Carlos Munoz-Mateos

★ Certaines de vos images ont été publiées dans des magazines ou sites professionnels. Vous avez fait l'APOD de la NASA, vous avez été retenu par le concours "Insight Investment Astrophotographer of the Year 2018" ...etc mais selon vous, quelle image vous rend le plus fier ? Votre préférée ?


Bille Cosmique. Source : APOD.
"Cela peut manquer un peu d'originalité, mais ma 'bille cosmique' (l'image qui a fait l'APOD) est de loin ma préférée. La raison est qu'en astrophotographie (ou photographie de paysage en général) il peut être vraiment difficile de provoquer des sentiments ou de raconter une histoire. C'est pourtant l'essence même de la photographie. Cette image a été cependant appréciée par une large audience. Différentes personnes ont interprété cette photo de plein de manières différentes. Pour certains, elle leur a rappelé la ceinture d'Orion dans le film 'Men in Black' ; pour d'autres le Palantir de Sauron dans 'Le Seigneur des Anneaux' ou une pierre infinie. Un utilisateur de Twitter l'a comparée à la nouvelle de Jorge Luis Borges 'L'Aleph' - un point de l'espace qui contient tous les autres points et qui permet de contempler l'univers depuis tous les angles d'un coup. Mon intention originelle avec cette photo était beaucoup plus simple : je souhaitais créer l'illusion de pouvoir emprisonner quelque chose d'aussi immense que notre galaxie dans une petite boule de cristal. Voir tant de gens interpréter cette image de plein de versions originales (que je n'aurais pas pu anticiper) était très gratifiant." 


★ Où pouvons-nous vous retrouver sur Internet ?


Instagram & Twitter: @astro_jcm
Site personnel de l'ESO: http://www.sc.eso.org/~jmunoz/ 

Cette interview a été réalisée par Guillaume Doyen (AstroSpace) lors de l'événement de communication #MeetESO au Chili, organisé par l'ESO.


Author

Guillaume Doyen

@AstroGuigeek Ingénieur doctorant, Astronome et Photographe amateur / French Engineer & Ph.D student, Astrophotographer & Amateur Astronomer. I simply love sharing my experience, advice and facts on Astronomy.

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